Pourquoi j’adore la thérapie ACT

Il y a plein de façons de choisir un psychologue, du bouche-à-oreille à la simple géolocalisation sur Google Maps. Un des critères essentiels est l’approche utilisée, mais il existe des centaines de méthodes, alors je me suis dit que parler de la thérapie d’Acceptation et d’Engagement, celle que j’ai choisie, en valait la peine. Elle est encore jeune et mal connue du grand public comme du milieu médical, malgré les études scientifiques de plus en plus nombreuses montrant ses apports. Elle est difficile à décrire, et tout en étant «brève», ne vous promet pas une réduction immédiate des angoisses ou du mal-être, ce qui ne séduit guère les gens pressés. Elle ne vous invite pas non plus à parler de vous pendant des années sur un divan, ce qui rebute les amoureux de l’introspection. Mais alors me direz-vous, ça sert à quoi ce truc ? Pourquoi ne pas avoir opté pour ces bonnes vieilles TCC, la psychothérapie d’orientation freudienne ou autre ?

C’est simple : j’adore la thérapie ACT. Je me suis rendue compte, en parlant récemment avec des collègues, à quel point cette approche avait été importante dans mon parcours, et c’est ce qui m’a donné envie d’écrire cet article. Sans elle, je ne serais pas thérapeute, tout simplement. Quand j’étais à la fac, l’ACT n’était pas un sujet en France. Les analystes et les comportementalistes se livraient une guerre de clochers sans merci, et dans mon cursus, Freud tenait le haut du pavé. J’étais fascinée par le personnage, mais je dois dire que j’avais un peu de mal à avaler l’idée que toute la beauté et le mystère de l’âme humaine se réduisent à des questions de libido. Je me suis donc dirigée en premier lieu vers la psychologie du travail, pour aborder aussi bien des questions existentielles que promouvoir des changements concrets. C’était un bon début : j’allais pouvoir aider des gens à avancer dans leur vie, en jonglant entre connaissance de soi et action.

Mais ce n’était pas de la thérapie et plus les années passaient, plus je voulais revenir “dans le vif du sujet”, faire un travail de fond, plus significatif, avec les personnes que j’accompagnais. Je pris connaissance des critiques de la psychanalyse (Freud étant tenu aujourd’hui pour guère plus qu’un escroc par nombre de spécialistes), mais aussi celles de l’approche cognitivo-comportementale (que les freudiens accusaient plus ou moins de traiter les patients comme des rats de laboratoires à dresser). Dans ce débat, la science penchait en faveur des TCC et ça ne me faisait pas rêver : je n’étais pas devenue psy pour “reprogrammer” les gens, “recadrer les croyances dysfonctionnelles”, assener des trucs et astuces selon un protocole en 7 étapes (je caricature !). D’autres modèles existaient, mais sans grande validation. Quant à l’hypnose ou l’EMDR… se contenter de réduire “artificiellement” les émotions du patient me semblait un peu court… où était la profondeur là-dedans ? La croissance personnelle ?

Tout ceci est simplificateur évidemment – je voyais bien les avantages des diverses approches proposées. Elles fonctionnaient d’un certain point de vue, mais il manquait toujours quelque chose à mes yeux. Et puis le vent a tourné. La Mindfulness est devenue un sujet à la mode, Martin Seligman a décrété que les psy allaient s’intéresser au bonheur et pas seulement à la pathologie, la psychologie positive est arrivée en France et avec elle, la dernière évolution des TCC, la fameuse 3ème vague dont l’ACT est une des approches. J’ai découvert l’ACT à ce moment-là. Elle avait déjà un bon niveau de validation ; j’ai décidé de me former et même si j’étais un peu sceptique, j’avais l’impression d’avoir enfin une base pour aider autrui d’une manière qui me parle. Avec les années, j’ai pu confirmer ce choix à travers mon expérience personnelle et professionnelle.

L’ACT est une TCC de 3ème vague ou TCCE, une thérapie cognitivo-comportementale et émotionnelle (pardon pour le jargon), et plus que cela. Elle vous invite à vous connaître vous-même de la manière la plus directe et authentique possible, à explorer ce qui rend votre vie riche de sens, à vous mettre en mouvement vers les changements positifs auxquels vous aspirez, à reconnaître et apprécier la richesse de votre vie intérieure, à accueillir l’intensité de vos émotions et à ne plus être l’esclave de votre mental. Elle vous pousse à avancer sans vous battre avec vous-même. En déposant les armes. En trouvant un espace d’écoute et de liberté en soi. Elle nous apprend à faire face par nous-même aux difficultés, à construire les forces nécessaires pour surfer dans la tempête au lieu de nous noyer ou nous accrocher à des bouées. L’ACT, on peut faire un petit bout de chemin avec ou l’utiliser toute sa vie si on veut, en autonomie. Flexible, c’est un processus vivant dont le rythme et la direction peuvent être modulées pour coller au plus près des besoins et des limites rencontrées ; elle apporte un cadre et un support au patient sans rien lui imposer, et supporte l’association avec d’autres pratiques, de manière créative et ouverte. Elle évite le protocole rigide, tout en étant structurante. Elle se nourrit, comme toute psychothérapie, d’un terreau philosophique qui n’est pas récent, car les êtres humains connaissent les mêmes souffrances depuis toujours et y ont apporté des réponses bien avant le XXe siècle… mais ses outils nouveaux et ingénieux, souvent contre-intuitifs, mettent aujourd’hui à la portée de chacun, sans bagage particulier, la sagesse pratique des grands méditants ou de Spinoza. Voilà pourquoi j’adore la thérapie ACT.

On ne prétendra pas que le processus est facile. Nous avons tendance à notre époque à vouloir tout résoudre avec un clic, une molécule, un exercice miracle… Une thérapie, même brève, mérite d’être “slow”. Quand une partie de nous pleure, panique, doute ou enrage, elle a besoin que nous soyons assez courageux et compatissants pour aller la prendre dans nos bras et la soigner tout le temps qu’il faudra, plutôt que de chercher à la jeter par la fenêtre. Or, il est tentant de réduire le travail à une disparition ou diminution rapide des symptômes. Les techniques pour y parvenir ne manquent pas. (Ce n’est d’ailleurs pas un mal. Il reste plus sain de faire diversion ou se désensibiliser de certaines émotions traumatiques avec des techniques “safe” : sophrologie, hypnose, EMDR, respiration… encadrées par un thérapeute soutenant, que de s’anesthésier avec l’alcool ou les drogues). Ces outils sont efficaces, tout comme les traitements médicamenteux qui contribuent à rétablir un fonctionnement cérébral “normal” face aux difficultés. Mais le chemin ne s’arrête peut-être pas là. L’ACT, sur quelques mois, propose d’aller un peu plus loin, un peu plus à la base en réalité, avec une vision à long terme du mieux-être. Elle peut soulager vite, parfois, mais ce n’est pas le but en soi. On plante un arbre, on fonde des racines solides pour une vie épanouissante. Ce n’est pas quelque chose que l’on a l’occasion de faire tous les jours, et c’est ce qui rend cette invitation précieuse.

Cette approche à la fois concrète et profonde m’a apportée un éventail de compétences qui m’aident dans ma vie autant que dans ma pratique. Je suis reconnaissante à ses auteurs et formateurs de l’avoir mise sur ma route, et j’espère que ce témoignage contribuera à la faire connaître un peu plus, car elle a à mon avis toute sa place dans le paysage varié des psychothérapies modernes ! Si vous êtes thérapeute et cherchez de nouveaux outils pour enrichir ou renouveler votre pratique, n’hésitez pas à l’essayer. Si vous êtes une personne envisageant de consulter, considérez cette option thérapeutique ; de plus en plus de psychologues se forment à l’ACT en France. Et si vous êtes juste un internaute curieux qui passait par là, sachez que de nombreux ouvrages peuvent vous faire découvrir plus amplement certains aspects de l’ACT (notamment les livres du merveilleux Russ Harris !).