HPI, un profil atypique

Les dénominations ne manquent pas : Haut Potentiel, HPI, HPE, HQI, surdoué, surefficient mental, multipotentiel, philocognitif, intellectuellement précoce, personne atypique dans l’intellect et l’émotion, sans parler de toute la ménagerie : zèbres, guépards, albatros, ours, et j’en passe…

En fait, il y a peut-être autant de noms, d’étiquettes, que d’auteurs et de visions différentes de ce qu’est ce profil atypique. Les choses seraient plus simples si on pouvait se référer à un discours académique faisant consensus à ce sujet. Le problème, c’est que la psychologie peine à cerner ce dont il s’agit. Faute de mieux, la position considérée comme « scientifique » consiste actuellement à dire que cela concerne des personnes ayant un QI supérieur à 130. Ce qui a des aspects pratiques, mais ne nous éclaire pas beaucoup, vu que le QI… n’est pas une notion très solide scientifiquement, c’est le moins qu’on puisse dire.

Résumons : il existerait parmi nous une minorité de personnes dont l’intelligence serait si développée que cela entraînerait chez elle toutes sortes de différences avec le mode de fonctionnement typique du reste de la population. Besoins différents, vécu différent… Tout cela étant relié a priori à un « très haut débit » de l’information dans le système nerveux et le cerveau, favorisant une grande richesse de connections neuronales et une rapidité de pensée peu commune. Pour tout le reste (personnalité, difficultés rencontrées, classification en sous-profils ou non…) les avis divergent. Vous lirez tout et son contraire au point de vous dire que ça n’existe pas, si personne ne peut le définir clairement. C’est un vrai festival de théories avec beaucoup de contradictions. À ce stade et malgré des tentatives de certains chercheurs pour cadrer un peu les choses, il n’y a pas de description faisant l’unanimité. Ma préférence personnelle va aux propositions de la psychologue Mary-Elaine Jacobsen dont la vision d’une intelligence « évolutionnaire » n’est pas sans rappeler l’approche de Elaine Aron concernant l’hypersensibilité, un profil mieux connu et cerné. Mais ce n’est en aucun cas une vérité établie, au mieux un ensemble d’hypothèses réfléchies, présentées avec de nombreux conseils dans son ouvrage « Gifted Adults : Liberating everyday genious ».

Ce que je tiens à dire ici, c’est que le flou scientifique ne doit pas vous décourager. Si vous êtes arrivé(e) là un peu perdu malgré de nombreuses recherches et réflexions sur le sujet, si vous avez l’impression que cela vous concerne, le Haut Potentiel, cela veut dire quelque chose. Vous aspirez à une connaissance, ou vraisemblablement quelque chose de plus profond, une acceptation de soi, voire, une paix intérieure. Vous vous reconnaissez dans certains traits, certaines problématiques. Et c’est peut-être suffisant pour avancer. Au final, un test de QI ou un questionnaire en ligne ne sont que des MOYENS au service de votre mieux-être et celui-ci ne devrait pas être tributaire d’une validation intellectuelle externe. Ce n’est pas l’étiquette qui importe le plus dans l’histoire, mais vos besoins, votre auto-acceptation et vos compétences pour assurer votre bien-être psychique, ou encore la cohérence de vos actes avec vos valeurs. Vous pouvez dire « je suis une personne émotionnellement et intellectuellement réactive et cela me pose un défi », et commencer à prendre soin de vous, indépendamment du fait que vous soyez ou non un champion des questionnaires à choix multiples et des tests de dominos.

Bien sûr, il peut être important de clarifier le diagnostic avec un psychiatre, neuropsychologue ou psychologue spécialisé dans une approche « médicale » (recherche de TDAH, dépression, autisme, Asperger…), ou si la personne concernée est un enfant qui pourrait recevoir une aide et une reconnaissance au lieu d’être stigmatisé pour des débordements qu’il ne comprend ni ne maîtrise. Mais vous êtes un adulte autonome et que votre questionnement est d’abord existentiel, identitaire (« suis-je HPI ou non ? »), alors ne vous focalisez pas sur votre QI et encore moins sur les listes sans fin de critères que l’on trouve en ligne, au risque de trouver plus de questions que de réponses. Explorez le sujet avec quelques ouvrages de référence et testez-vous avec un professionnel si vous voulez, mais n’oubliez pas d’apprendre à vous écouter, vous, au-delà du mental qui théorise votre vécu. Que ce soit par la méditation ou une thérapie, il est possible d’établir un contact plus direct, plus simple avec vos ressentis, de découvrir et d’apprivoiser vos forces et vos faiblesses, d’apprendre à porter vos difficultés, à ancrer votre concentration ou à vous affirmer davantage. Le vrai défi est là, et quelle que soit la vivacité de votre imagination, de vos émotions et de votre intelligence, il y a une marge de progression que vous pouvez explorer… avec patience et curiosité !