Vivre avec son hypersensibilité

L’hypersensibilité est à la mode : ces dernières années, grâce au travail de la psychologue Elaine Aron, ce profil particulier est de plus en plus connu et compris. Le but de cet article n’est pas de vous proposer un diagnostic (pour cela mieux vaut simplement remplir le questionnaire d’Elaine Aron que l’on trouve maintenant un peu partout, ou voir un spécialiste) ni d’expliquer de quoi il s’agit, cette information étant elle aussi largement accessible en ligne et en librairie. Ce dont je veux parler, c’est du rapport que nous pouvons avoir avec cette manière particulière de ressentir les choses.

Comprenons bien qu’être hypersensible, ce n’est pas une croix à porter. L’intensité de vos émotions sera toujours le résultat d’une interaction complexe entre un contexte, votre personnalité, votre forme physique, votre vision des choses et vos compétences pour réguler ou transformer votre vécu. Autant dire qu’il y a une marge de manœuvre et que celle-ci peut être TRÈS importante. Il ne s’agit pas de décréter que l’on va tout à coup s’affranchir de ses ressentis ou les contrôler parfaitement, mais d’être conscient que la description de l’hypersensible comme une personne fragile, régulièrement en détresse, explosant pour un rien, et pour qui la vie serait toujours plus difficile que pour le reste du monde, ne correspond pas à une fatalité.

En fait, c’est potentiellement le contraire. Être hypersensible va poser un défi dans des situations ordinaires et de ce fait, multiplier les occasions de maturation et de croissance personnelle, pour peu que l’on ne se noie pas dans la difficulté. Le job du thérapeute, c’est de vous aider à monter sur une planche de surf. Et ce n’est pas forcément une mince affaire car la société dans laquelle nous vivons entretient quelques facteurs peu aidants…

– D’un côté, il y a la pression de la normalisation, l’idée qu’être sensible, c’est « nul », « pas productif», qu’on n’a pas le temps pour ça. Même les soignants doivent « faire du chiffre » dans certaines structures, ne pas passer trop de temps avec ceux qu’ils doivent aider… ouille ! Pas génial pour l’estime de soi, ni pour apprendre à accueillir ses ressentis avec douceur et sans jugement.

– D’un autre côté nous connaissons aujourd’hui un niveau de sécurité et de confort bien éloigné des conditions dans lesquelles nos ancêtres ont évolué. Ce n’est pas une mauvaise chose a priori, mais faute de défis à surmonter, nous nous ne nous renforçons pas toujours suffisamment. On peut même s’enfermer dans une bulle rassurante, une zone de confort qui se rétrécit de plus en plus…

A cela rajoutons le fait que :

– La complexité du monde nous saute littéralement à la figure, via Internet et les autres médias, à toute heure du jour voire de la nuit,

– Nos capacités attentionnelles ne sont pas forcément assez développées pour canaliser les pensées et ruminations suscitées par cet afflux d’informations souvent anxiogènes,

– Nous sommes souvent démunis de concepts philosophiques et/ou spirituels qui pourraient donner du sens à cette complexité.

Voilà comment on se retrouve avec un mental toujours en ébullition, à focaliser malgré soi sur des situations qui nous dépassent, sans avoir les clés pour en faire quelque chose de constructif et en culpabilisant de ne pas arriver à « faire avec », « comme tout le monde »… !

Heureusement, des clés existent. Faire face à ses peurs, domestiquer sa colère ou son empathie, trouver sa force au lieu d’être dévitalisé par un intellect qui dramatise, c’est possible. Apprendre à ressentir et agir, plutôt que subir et ré-agir. Savoir respirer, s’arrêter pour méditer, accueillir une émotion, cultiver sa bienveillance et son lâcher-prise, son affirmation et sa confiance… Mais ce n’est pas qu’une histoire de techniques. C’est souvent, aussi, un rapport au monde à réécrire. Que faire de l’éco-anxiété ? Quel sens donner à la mort quand on est athée ? Quelle voie personnelle ou professionnelle suivre dans une société aux innombrables possibilités (et aux innombrables injonctions !) ? Quand on est hypersensible, on peut difficilement faire l’impasse sur la profondeur. Le sens des choses. On a besoin d’outils, oui… et de philosophie.

Il y a donc plusieurs moyens de travailler sur soi pour mieux vivre AVEC sa sensibilité, voire GRÂCE à elle (et non MALGRÉ elle). Sachez toutefois que ce ne sont pas des choses qui changent rapidement, dans la précipitation. Mieux vaut commencer tôt, et être patient. Avec de l’aide, souvent. Si ce n’est celle d’un thérapeute, ce peut être un auteur (Elaine Aron ? Sénèque ? Thich Naht Hanh ? …), un Youtubeur même (Fabrice Midal ? Le Précepteur ?…), pourquoi pas, si vous ne souffrez pas de troubles importants. Vous découvrirez alors qu’il y a beaucoup à apprendre de son hypersensibilité. Des chemins intéressants s’offrent à vous et ils vont bien plus loin que juste « faire avec » , « comme tout le monde ». Peut-être pouvez-vous considérer vos particularités comme un défi stimulant, enrichissant, et non comme un problème à résoudre. Alors… bon voyage !

Pour aller plus loin :

Le site de Elaine Aron, The Highly Sensitive Person